Monsieur et illustre Confrère,

J’ai éprouvé un véritable joie en apprenant votre nomination comme membre Associé de l’Académie royale de Belgique et je ne puis m’empêcher de vous dire combien je suis heureux de voir qu’en cette circonstance les Belges aient fait la leçon aux membres de l’Institut de France.—² Puissent tous les corps savants du monde protester comme l’Académie de Belgique contre la discussion qu’ils ont osé entamer sur la question de vos mérites scientifiques. Votre nom résume tout le mouvement scientifique de ces dernières années et vos immortals travaux sont au dessus de toutes les attaques du cléricalisme et de l’ignorance.— J’ai été indigné comme doivent l’être tous ceux qui ont connaissance de vos travaux, en lisant cette discussion qui est une flétrissure pour cette institution, à ajouter à toutes celles que la science française a éprouvé dans ces dernières années.—

En Belgique la jeune génération a arboré le drapeau de l’indépendance intellectuelle et a jeté au loin les préjugés et les idées préconcues. Et si parmi les hommes d’un âge bien mur il en est qui n’ont pas accepté vos idées, au moins ils ont su mettre vos mérites au dessus de leurs convictions personnelles.—

Je suis heureux et fier d’avoir été nommé correspondant de l’Académie, le jour où vous avez été Élu comme associé.—

Je vous envoie un exemplaire de quelques uns de mes travaux.³ Veuillez les recevoir comme un témoignage de mon profond respect. Vous verrez que je travaille la même question que Dohrn: l’embryogénie des Crustacés.⁴ Je crois être arrivé à un joli résultat: c’est la démonstration par l’embryogénie de la dérivation des articulés d’un forme de Vers. (Embr. des Sacculins.—id des Lernéens)⁵

Je continue ces recherches et les publications et j’espère arriver bientôt à construire l’arbre généalogique de ce groupe.— Je ne suis pas arrivé aux mêmes conclusions que Dohrn.⁶ J’espère pouvoir vous envoyer très prochainement le développement des Nebalia.—⁷

J’ai eu l’occasion d’étudier récemment l’organisation du Anelasma squalicola. Je crois avec Dohrn que nous avons là le passage aux Peltogaster.⁸ J’ai retrouvé parfaitement les racines plongées dans les chairs, telles que vous les avez figurées.—⁹ Les pièces de la bouche existent à l’état rudimentaire.

Excusez la liberté que j’ai pris de vous écrire et reçevez, Monsieur et illustre confrère l’expression de mon profond respect. | Prof. D^r. Edouard Van Beneden | rue Vinave d’Ile à Liége